sans te raconter ma vie dans tous ses moindres petits recoins sombres (vu que je ne vois plus mon psy, on n'y fait plus guère le ménage: en même temps, c'était psy ou sport, j'ai arrêté les neurones mais j'ai oublié de reprendre les muscles pour finir), je peux tout de même te dire que fabriquer un enfant n'a pas été une simple partie de fun à deux partenaires consentants. non, tu vois, nous on a préféré faire une sorte de partouze avec le corps médical (plusieurs corps en l'occurence) ainsi qu'un certain nombre d'accessoires (pipettes, ce genre), le tout étalé sur un certain nombre d'années. plus on est de fous, hein et puis les plaisanteries les plus longues sont, ah euh, oui, les pires.
ahem.
évidemment quand la science ainsi que les pipettes ont fini par toucher le jackpot, on a été un petit peu les nababs de la life, nous autres. d'autant que pour une fille qui aura besoin d'un lisseur toute sa vie, la môme finale est du genre pas trop mochasse-stupide-nain-geignard-cindy du cervelet (enfin aujourd'hui, si, en fait, la vache, et je ferme cette parenthèse avant d'écrire un truc impardonnable).
ce que je n'avais pas pigé, c'est qu'après ce joyeux marathon médical, on n'en aurait pas pour autant fini avec les bons gros dossiers qui vont bien, la recherche de piston pour faire remonter le-dit dossier sur le dessus de la pile façon building, l'épuisement administratif (je te suggère, pour t'amuser, de tenter de convaincre la sécu que tu ne veux pas cette putain de stimulation ovarienne just for pleasure, mais because tu en as réellement besoin: mais purée de lol, quoi).
paris et roubaix je sais pas, mais marseille pour le petit enfant c'est: tu es enceinte depuis cinq minutes (= pour certaines, tu as encore les pieds dans les étriers, une personne que tu ne connais pas est entre tes jambes with a pipette et te parle de météo -et en même temps la secrétaire du journal appelle pour demander si tu vas à l'inauguration de mes couilles tantôt: ça ne s'invente pas), tu fonces déposer ta demande de place en crèche sinon, bon, eh bien, n'y va pas, hein, parce que des gens vont rire de toi et de ta naïveté confinant, disons-le, à la plus totale connerie. c'est soit les 5 mn soit jamais. soit on te rappelle quand ton enfant entre en master (mais pour une demi journée par semaine, hein). donc de place en crèche, t'en as pas l'ombre de la queue d'une.
tu te mets ensuite en quête d'une nounou. car tu es une femme barbare gould, tu es une femme qui rebondit, qui va et qui vole d'obstacle en adversité et qui toujours triomphe. oué. tu voyais déjà les ateliers pâte à sel, les séances de lecture de trois heures, l'éveil musical, l'apprentissage de la propreté à 1 an, les balades au parc. l'absence totale de télé dans un rayon de 80 m². et de clope. et d'odeur de friture 5 jours sur 5 (le nugget de poulet comme aliment de base, pour toi, c'était el diablo: je te rappelle qu'à la maison on a un homme qui AIME cuisiner). finalement les nounous ont vu tes horaires ("ah ah ah"), t'ont montré la porte ("en vous remerciant) et tu as pris la première fumeuse en surpoids bouffeuse de nuggets et de télé-réalité ("on dit beaucoup de mal de secret story") qui s'est présentée. mimi, quoi. mais presque tu lui aurais baisé les pieds, à mimi. pardon, les crocs. en même temps elle est sympa. même si tu sais jamais quoi lui dire à part: "et sinon la bonne journée que voilà?".
"bon, mais au moins, la maternelle, on prendra ce qu'il y a de mieux", qu'on s'était dit le padre et moi (en serrant contre notre coeur notre enfant à odeur de poulet frit). eh bé ma bonne simone, je vais t'éblouir: apparemment, on n'aura pas ça non plus. because les pipettes qui te font naître un enfant en décembre, tu peux les remercier du vice caché, de l'amour comme un boomerang, te revient des jours passés: je découvre ce fucking lundi qu'il faut un PISTON pour inscrire un enfant dans une banale école publique pas trop dégueu du quartier et PLUSIEURS pistons, plus s'y prendre en novembre (tu as bien compté: on est en janvier) plus faire un dossier de motiv', décrocher un entretien et PAYER pour inscrire la morveuse dans le privé (dans une autre vie, je disais des trucs atroces sur les écoles privées, mais comme je te le dis: c'était une autre vie).
en même temps toutal', tess a balancé ses bottines zara à la gueule de la directrice de l'école-privée-où-c'est-qu'on-se-voyait-déjà donc je pense que c'est mort de ce côté. nous on aura la zep et dans deux ans je vous cause de R'n'B et de sacoches vuitton et de soprano et de kenza farah (marseille trop puissant).
je sais pas, mais c'était moins chiant pour nos mums, nan? on allait à l'école du village, y avait des bons et des mauvais élèves, des riches et des pauvres et à la fin tout le monde savait lire en CM2. je pouvais être pote avec le fils du pharmacien et celui du marin pêcheur. moi la fille de paysan. et c'était de la boulette, l'école, on avait pas décroché sa place grâce au maire, au curé (je te le jure: moi la pas baptisée, je suis à deux fingers de faire intervenir l'archevêque dans mes histoires de maternelle: une autre vie, je te dis), on mangeait pas de la sodexo à midi, les dames de cantine s'appelaient chantal ou madame le bourhis, quand y avait des forains (on disait pas roms à l'époque) qui plantaient la caravane dans le terrain à côté de l'école, on les accueillait avec la joie et on savait même pas ce que ça voulait dire, politiquement correct.
je trouve un petit peu que ça fait iech à la fin ce pays qui de toutes ses forces essaie de saloper ce qui faisait que c'était bien d'y vivre et d'y grandir.
ça se passe comment chez vous autres, les gens? c'est marseille ou c'est juste la vraie vie, et je viens de tomber de mon nuage de bisounours?